« Lorsque les dieux faisaient l’homme, ils étaient de corvée et besognaient: considérable était leur besogne, leur corvée lourde, infini leur labeur. Car les grands Anunnaku aux Igigu, imposaient une corvée septuple! Leur père à tous, Anu, était leur roi; Enlil-le preux, leur souverain; Ninurta, leur préfet, et Ennugi, leur contremaître. Tombés d’accord, les grands-dieux avaient tiré au sort leurs lots: Anu était monté au ciel; Enlil aviat pris la terre pour domaine, et le verrou qui barricade la mer avait été remis à Enki-le-prince. »
Poème D’Atrahasis, ou Poème du Supersage, vraisemblablement XVIIIème siècle avant J.C., trad Jean Bottéro in Lorsque les dieux faisaient l’homme, mythologie mésopotamienne, J. Bottéro, S.N. Kramer, Gallimard
Ils ont raconté des histoires, longtemps transmises de poète à poète, avec en mémoire la somme de toutes les vérités, de tout ce qu’il ne fallait pas oublier. Les règles invisibles régissant le monde, son ordre, son chaos, son infinie puissance dont il fallait s’accommoder.
Ils les ont peintes sur la pierre froide, sculptées dans la terre, elles ont été la trame de leurs parures, de leurs danses, de leurs chants.
Puis ils les ont grattées sur le bois, l’argile humide, le granit éternel.
Les histoires se sont déployées, le monde s’est ouvert, immense, mystérieux, puis refermé, figé, obscure, mais tout a toujours été double, dans nos paysages. Une portion visible, infime, superficielle, comme une invitation à se perdre dans l’invisible des causes, des ordres, des spéculations, sans lesquelles tout serait bien trop ouvert.
Nous avons construit des temples, des pyramides, des télescopes, d’immenses machines tournées vers l’invisible, comme autant de bornes délimitant l’au-delà, la présence d’un ailleurs bien plus loin et bien plus grand.
Nous vivons dans de multiples paysages superposés.
C’est cette tension permanente qui nous fait avancer.
Tant que nous acceptons de nous confronter au mystère, de croire en l’invisible.